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Jacques Colson, Meta XXXVIII, 4 (1993), pp. 726-272.
Des textes qu'elle a rassemblés sous ce titre, Christine Pagnoulle écrit: "Il y est question d'hommes
et de leurs pratiques plutôt que de théories et d'outils."
Ces hommes et ces outils étant indissociables des institutions qui leur servent de
cadre, il semblait tout indiqué, pour aborder le premier des cinq thèmes du colloque, de
proposer une réflexion sur le multilinguisme dans la Communauté européenne, sur les
institutions et sur le rôle qu'y joue la traduction.
Mais en dehors de ce cadre institutionnel, la traduction constitue un marché avec
ses lois propres, deuxième thème, abordé du point de vue du traducteur indépendant,
généraliste ou spécialiste (préoccupé de rentabilité et de qualité), autant que du traducteur
littéraire (aux préoccupations fort semblables).
Que le traducteur soit rattaché à une institution ou qu'il offre ses services aux clients
de son choix, il est soumis aux mêmes impératifs de productivité. Les outils informatiques constituent donc naturellement le troisième volet du colloque, qui nous offre un bilan
des possibilités et des limites des bases de données, des systèmes de traduction automatisée et autres modems.
Comme s'il était nécessaire de tempérer l'enthousiasme des "technologistes", le
quatrième thème défini par C. Pagnoulle, "Traducteurs et textes", rassemble des praticiens dont l'expérience porte sur des domaines qui, jusqu'ici, résistent à l'automatisation :
prose littéraire, poésie, philosophie.
Au terme de ce parcours, pour offrir du recul et une vue d'ensemble, une réflexion
sur les responsabilités du traducteur et sur l'activité traduisante situe, l'un par rapport à
l'autre, le traducteur et le monde contemporain.
Tout en négligeant délibérément théorisation pointue et spécialisation exclusive,
C. Pagnoulle a ouvert au débat un champ très vaste où se sont côtoyés littéraires et non-
littéraires, traducteurs professionnels et enseignants, individus et institutions, sourcistes et
ciblistes et, bien entendu, traducteurs et traductrices de toutes générations et de tous pays.
A-t-on pu réunir ailleurs le directeur du service de traduction de la Commission des
Communautés européennes, de jeunes traducteurs créateurs de leur entreprise, une traductrice allemande de Marguerite Duras et un universitaire parisien réfléchissant sur la
dimension théologique de l'opération traduisante ?
Le remarquable dosage des intervenants, la variété des opinions défendues, l'intérêt
des débats, lieux de convergences autant que de divergences: autant de raisons de lire
Les gens du passage et de souhaiter que se tiennent d'autres colloques de ce niveau.
Michel Barrard (Artois), Target 7.2 (1995), pp. 391-393.
Ce volume rassemble les actes du colloque "La traduction: perspectives" organisé par
Christine Pagnoulle dans le cadre de la maîtrise en traduction de l'Université de Liège
en mars 1991. Les communications sont regroupées par thème.
L'ouverture se fait autour du thème des "Institutions". En liaison avec le principe
du multilinguisme qui "garantit le respect de la diversité culturelle et du pluralisme
linguistique" (p. 20), Edouard Brackeniers, directeur du service de traduction de la
Commission des Communautés Européennes, dresse un impressionnant tableau de la
place de la traduction dans le cadre de la Communauté. Pour José Lambert, les
Institutions des nations, jusque-là responsables de l'usage de la traduction, en ont
freiné l'étude en entretenant le mythe du monolinguisme. La création de la communauté et la prise de conscience du caractère fondamental du multilinguisme devraient
stimuler la recherche en traduction à condition que celle-ci prenne appui sur l'étude
historique et qu'elle fasse en sorte que ses structures débordent le strict cadre national.
La seconde partie est sainement réaliste et concrète: "Traducteurs et marchés".
Dans la première section; "Le traducteur indépendant", Marie-Hélène Lemaire-Dor, à
partir de sa propre expérience, transmet quelques conseils pour gérer les débuts dans la
carrière: investissement personnel, investissement en matériel, etc.; Michel Coumanne
envisage les manières de rentabiliser le métier: savoir gérer son temps, se spécialiser.
Patrick Thonart, à partir d'une expérience de gestion de bureau de traduction, pose les
jalons d'une déontologie de la profession: éducation du client, dignité et professionnalisme du traducteur. Dans la seconde section, "Le traducteur et l'éditeur", Thierry Fontenelle
évoque le problème du "coefficient de foisonnement" en traduction et les demandes de coupure ou de contraction qu'il peut provoquer chez l'éditeur; Thierry Detienne évoque le 'sordide' problème de la (non)rentabilité de la traduction
littéraire avec, en contrepoint, le plaisir du contact avec l'écriture; note d'espoir enfin dans un
tableau, il faut le dire, assez sombre, les "Réflexions d'un directeur de collection"
éclairé, Arnaud de la Croix, qui prône des traductions "authentiques" où apparaisse "la
marque du texte de départ" (p. 52).
Dans la troisième partie, "Traducteurs et outils informatiques", Archibald
Michiels envisage, de façon assez peu convaincante, les relations entre "traduction et
linguistique computationnelle"; Jean-Pierre Callut expose les avantages de l'utilisation
du modem; Alain Reichling souligne la simplicité de consultation d'une base de
dol1nées comme EURODICAUTOM et par voie de conséquence sa large utilisation par
les professionnels, il évoque aussi l'évolution du système; de façon plus synthétique,
Jean-Bernard Quicheron reprend l'examen des "Outils actuels et futurs des traducteurs".
Dans la quatrième partie, "Traducteurs et textes", Françoise Wuilmart évoque
sous forme de parabole la condition du traducteur littéraire, l'éternel problème de la
reproduction et de la recréation; avec Jacques Colson est abordé le problème de la
traduction des textes philosophiques en liaison avec le style que semble générer chaque
1angue-culture (style anglo-saxon plus simple, style français plus sophistiqué); Juliette
Dor, en collaboration avec Guido Latré, traite de la traduction des textes médiévaux et
en particulier de l'état de langue à adopter pour en rendre le caractère 'ancien'; Ilma
Rakusa évoque (très) brièvement la traduction de la "Prose poétique de Marguerite
Duras", la préservation de la musique et du rythme "tout en gardant un maximum de
sens" (p. 93); très différentes sont les considérations de Willy R. Berger sur sa
traduction de Baudelaire en allemand: rigoureusement menée et étayée par une indéniable culture théorique, cette étude est un témoignage précieux sur le travail du
traducteur dans ce qu'il a de connaissable, et constitue un véritable apport à la
traductologie; tout aussi fascinante et éclairante, la communication de Paul Bensimon
sur la "Traduction des figures de style dans un poème de Seamus Heaney", où il
défend, la pitime à la main (c'est le cas de le dire, puisqu'il traduit en même temps qu'il
démonte les mécanismes et pratique la critique de traduction), le principe d'une
préservation littéraliste des images dans leur étrangeté et leur efficacité; Rose-Marie
François, enfin, nous renvoie sans ampleur au thème classique de la poésie, langue
secrète.
L'ensemble se termine sur "Traducteurs et monde contemporain" où Jean-René
Ladmiral présente un digest de ses vues sur la traduction, et invite le traducteur à
'philosopher', et où Peter Newmark (traduit de manière fort lisible par Christine
Pagnoulle) estime que la "première responsabilité du traducteur aujourd'hui est
d'oeuvrer, dans la clarté de l'écriture, pour la reconnaissance de ces valeurs universelles
que sont la vérité factuelle et le sens d'un comportement éthique" (p. 119).
Voilà un ouvrage très divers qui rassemble, sous un volume compact, des témoignages intéressants sur les réalités les plus concrètes du métier de traducteur, des points
de vue plus généraux et théoriques, des études précises et de qualité (en particulier
celles de Berger et de Bensimon). Ce recueil ne manquera pas d'intéresser traducteurs
et traductologues par le spectre large qu'il balaye, il conviendrait de le recommander vivement aux candidats à une maîtrise de traduction en raison précisément des 'perspectives qu'il donne sur le métier et la recherche qui s'y rattache. De ce point de vue,
la bibliographie générale donnée en fin de volume aurait pu être plus large; elle ne
donne d'ailleurs pas toutes les références citées dans les articles (cf. p. 97), et les pages
des articles ne sont pas indiquées (cf. "Berman", p. 137). Quoi qu'il en soit, Christine
Pagnoulle a accompli avec ce recueil, très abordable à tous points de vue, une oeuvre
fort utile.
Language International 6.2 (1994), pp. 39-40.
These conference proceedings include some illuminating papers covering a variety of subjects. They are
notable, for example, for one of the rare occasions
when Eduard Brackeniers, head of the Service de
traduction at the Commission of the European Community, and therefore one of the most powerful men
in languages in the world, reflects on multilinguism
in Europe. We learn that in the spring of 1991, when
the paper was delivered, the various institutions of
the Community employed 2,100 translators and 650
interpreters, and that the number of texts given to
outside translators must not exceed 20% of the total.
But otherwise the paper is disappointingly short and
vague. There are papers on actual experience of the
profession of translator, with one by Patrick Thonart
calling for an end to the anarchism of the present
translation market. There are papers on technical
aids for translation, and another set on aspects of
literary translation. Finally, there are two major con-
tributions. One, by Professor Peter Newmark (translated into French) considers the responsibilities of
the translator. The other, by Jean-René Ladmiral, La
traduction: philosophie d'une pratique, sketches in a
theoretical context for translation based on actual
practice.
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